Le 21 Décembre 2017, par Thomas Drouart
Si je vous parle de voiture à six roues, vous me citerez probablement le Mercedes Classe G AMG 6x6, éventuellement la Renault 5 Turbo de Léotard et peut-être même la Citroën CX de Tissier. Pourtant, il existe des voitures à six roues depuis la nuit des temps. Dans cet article, nous reviendrons sur des modèles emblématiques, en nous intéressant à plusieurs thématiques... Dont le cinéma !
1903 Les premières voitures à six roues sont apparues très tôt, quelques années à peine après le déploiement et la commercialisation des premières automobiles. En 1903, Pullman, un constructeur américain disparu en 1917, a proposé la Six-Wheeled (illustrée ci-dessus). Pullman, c'est un constructeur de prestigieuses voitures ferroviaires. Se recycler dans l'automobile était un pari audacieux et la construction de la Six-Wheeled s'en ressent. Les essieux sont répartis uniformément tout le long de la caisse. Ceux de l'arrière et de l'avant étaient directeurs. Peu fiable, cette voiture retrouvera une configuration classique à quatre roues dès 1904. D'autres s'y sont aventurés avec un peu plus de succès...
1934 Hitler commande à Mercedes un véhicule pour les manifestations officielles. La G4 (W31) prend la forme d'une découvrable, dotée de quatre portes et peut accueillir confortablement sept personnes à bord. La particularité, c'est qu'elle dispose d'un double essieu arrière, permettant de gravir des pentes assez raides. Vendue en série de 1934 à 1939, elle fut tirée à 57 exemplaires. Seuls trois G4 existent encore aujourd'hui.
1935 Double essieu à l'avant ou à l'arrière, roues jumelées... Les constructeurs ont à peu près tout essayé en ce qui concerne les configurations d'essieu. Mais d'ailleurs, pourquoi vouloir aller au delà des quatre roues traditionnelles ? La principale raison, c'est l'état des routes, qui n'avait rien à voir avec ce que l'on peut connaître actuellement. Les quatre roues répondaient avant tout à la nécessité de répartir plus uniformément le poids. Elles ont ausi permis de gagner en confort. L'apogée fut certainement atteinte en 1935, avec l'Adler Diplomat à huit roues (ci-dessus), fruit de la transformation d'un berlinois nommé Gotthardt Rimmek. Mais revenons aux six roues.
1948 En compétition automobile, la recherche d'efficacité perdure depuis la nuit des temps. Pour améliorer la tenue de route tout comme les performances, les double-essieux ont fait leur apparition. L'un des exemples les plus marquants est la Pat Clancy Special (ci-dessus), engagée en 1948 et 1949 sur l'Indianapolis 500. La raison des 6 roues ? Le pilote de cette étrange sportive a possédé une usine de fabrication de camion. Ceux a 6 roues avaient une meilleure adhérence alors l'homme tenta d'appliquer ce précepte sur une auto de course. Les résultats furent assez mitigés et le retour aux quatre roues traditionnelles fut rapide.
1953 Autre domaine où les voitures à six roues sont très répandues : les pick-ups. Mais pas sous la forme habituelle puisque les roues sont jumelées sur l'essieu arrière. Il est bien difficile de savoir quel modèle fut le précurseur en terme de jumelage. En illustration, nous avons la seconde génération de Ford F, avec le F-350 Heavy Duty, commercialisé de 1953 à 1956. Depuis, les pick-ups à roues arrière jumelées se sont bien répandus puisqu'ils accroissent la capacité et surtout le volume de chargement à l'arrière.
1973 Les années '70 marquent l'avènement des voitures à six roues. Plusieurs transformations deviennent constructeurs à part entière, à l'image de Pierre Tissier qui crée en 1972 l'ADPT. Sa spécialité : transformer des Citroën DS, puis CX et XM, en de somptueuses versions à 6, 8 ou 10 roues. Sachez que sa première réalisation fut une DS, dotée d'un plateau à l'arrière, reposant sur trois essieux. Les six roues ont alors connu leurs heures de gloires avant de tomber aux oubliettes au début des années '90. En cause : la difficulté à homologuer ces voitures... Et le prix des pneumatiques !
2002 Si vous avez vu une Covini C6W en photo, vous avez certainement pensé à un Photoshop de mauvais goût. Il n'en est rien : cette sportive italienne vendue de 2002 à 2008 a bien été produite en - petite - série. Son double-essieu avant résulte de la nostalgie de Feruccio Covini, un fan de la Tyrrell P34, une Formule 1 à double-essieu avant produite à la fin des années '70.
Les voitures à six roues répondent avant tout à des besoins pratiques : elles améliorent la tenue de route, augmentent le poids maximal grâce une meilleure répartition sur les essieux. Qu'il s'agisse d'un double-essieu avant ou arrière ou d'un jumelage, les six roues ont permis de voyager plus confortablement, à une époque où les routes étaient dans un état bien inférieur à aujourd'hui. L' amélioration des routes, les normes de sécurité et d'homologation tout comme le prix des pneumatiques et divers consommables ont petit à petit poussé vers la sortie les voitures à six roues. Aujourd'hui, l'offre est très restreinte. |
Ci-dessus, nous vous présentons le Dodge D-Tex. Il s'agit d'un RAM, en version 6 roues motrices et doté du sulfureux V10 de la Viper. Ce concept-car de 1997 n'aura jamais fait l'objet d'une production en série. Toutefois, Mercedes-Benz était propriétaire de Chrysler à l'époque et a eu accès aux technologies embarquées sur le T-Rex. C'est ainsi qu'un véhicule assez similaire a vu le jour chez le constructeur à l'étoile : le Classe G 63 AMG 6x6.
Il s'agit donc de l'unique voiture de série proposée dans une telle configuration. Inutile de préciser que cet immense 6x6 ne s'adresse qu'à un public très ciblé et pour lequel l'argent n'est pas un problème. Dans un registre plus accessible, Hennessey envisage de produire un F-150 VelociRaptor à 6 roues d'ici quelques mois. À quel prix ? Nous le saurons d'ici quelques mois. Le prix de revient d'un véhicule à six roues - tout comme la nécessité d'une telle architecture - sont les principaux obstacles à la commercialisation de ces engins.
Si l'offre est actuellement aussi pauvre, les constructeurs persistent toujours à proposer régulièrement des concept-cars. Des cobayes pour analyser l'accueil du public. En 2000, Sbarro a présenté un Berlingo rallongé avec double essieu arrière, nommé Croisière jeune. Rien ne suivra malheureusement derrière.
Pour qu'une voiture se vende bien et soit rentable pour un constructeur automobile, elle doit plaire au plus grand nombre, tout en remplissant les besoins. Sincèrement, qui aurait usage d'un véhicule à 6 roues ? Hormis d'immenses pick-ups à roues jumelées, l'Europe n'est pas très friande de cette profusion de roues. Surtout que suspensions, pneus et freins imposent un surcoût évitable. Les six roues engendrent en prime un gabarit plus important, qui n'est pas véritablement adapté aux urbains. Et comme nous nous rapprochons de plus en plus des villes... |
Il est impossible de parler de véhicules à six roues sans aborder Pierre Tissier. Vous avez certainement déjà vu au moins une fois une de ses réalisations. Pierre Tissier, c'est un garagiste et agent Panhard qui a eu l'idée de créer son propre véhicule de fonction : une DS qu'il a découpé en deux et derrière laquelle, il a greffé un plateau reposant sur trois essieux. C'était en 1972. Et c'est moins d'un an après que l'homme fonde l'ADPT (Application des Procédés Tissier) afin qu'ils puissent assembler et vendre ses modèles spéciaux.
Il créera par la suite des fourgons à six roues sur base de Citroën DS. Selon le site Passion-Tissier, il y en a eu 32, ce qui remarquable. Les plateaux à huit roues seront également un beau succès. Mais le véritable succès des modèles Tissier arrivera avec la Citroën CX. Celle-ci remplace la base des transformations dès 1977. Ambulances, plateaux et bagagères se vendent très bien. Pierre Tissier osera même un périlleux plateau sur base de Citroën SM à 10 roues qui fut sauvé in extremis de la casse.
Des commandes très honorables eurent même lieu. La ville de Lyon commanda notamment trois CX Tissier "Ponts et Chaussées". Disposant du moteur GTI de 168 chevaux, elles permettaient de réaliser des mesures d'adhérence. Elles étaient accompagnées chacune d'une remorque dotée d'une roue centrale capable de mesurer la glissance des routes. Réformées, ces CX transformées auront une descendance des plus classiques. Tissier fermera ses portes en 2007. Les normes de sécurité étant ce qu'elles sont, les transformations n'ont plus la cote...
En début d'article, nous évoquions la Pat Clancy Special, qui est l'une des premières voitures de compétition à six roues. Elle se distinguait par son double essieu arrière. D'autres firent des choix très différent, notamment en Formule 1. Sur ce point, la Tyrrell P34 fait école à part. Elle dispose d'un double essieu avant, composé de roues plus petites (jantes de 10 pouces contre 13 à l'arrière), ce qui permettait d'améliorer la motricité. Après deux saisons mitigées (1976 et 1977), Tyrrell abandonne les six-roues. Toutefois, cet échec donne des idées à certains...
Toujours en Formule 1, l'année 1977 ne fut pas sans surprise. D'autres constructeurs ont misé sur les voitures à six-roues à partir de cette année-là. En 1982, tout s'arrête à cause d'un changement dans la règlementation. En endurance également, il y a eu une voiture à six roues !
A : La Williams FW08B dérive de la FW07 "classique", à la différence qu'elle accueille un double essieu arrière. Cette fois, toutes les roues sont de la même taille. Les performances étaient au rendez-vous. Engagée en 1982, elle fut la dernière Formule 1 à six roues. La raison ? Des plaintes concernant les coûts des consommables. Le règlement fut changé la même année, spécifiant qu'une Formule 1 ne pouvait avoir plus de quatre roues motrices.
B : Daniel Lebacq a créé une voiture d'endurance unique en son genre : la DL7. Malheureusement, elle ne posa jamais ses six roues sur le célèbre circuit manceau. Malgré des performances d'un très bon niveau, avec des résultats en soufflerie très respectables. Le règlement actuel de l'ACO impose désormais un maximum (et minimum) de quatre roues.
C : Stricte propulsion, la March 2-4-0 arbore six "petites" roues de 40 centimètres de diamètre destinés à améliorer la pénétration dans l'air. Cette fois, le double essieu est à l'arrière. Après des résultats assez mitigés sur piste (la boîte de vitesse fatiguait...), la March 2-4-0 fut convertie pour la course de côte, avant d'être abandonnée au profit d'une plus classique déclinaison à quatre roues.
D : Très étonnante, la Ferrari 312 T6 de 1977 dérivait de la T2 avec une particularité : celle de disposer de pneus avant jumelés aux roues arrière. Cela avait pour le but de réduire les déformations dans les virages. Non homologuée du fait de sa grande largeur, cette Formule 1 unique en son genre fut détruite lors d'une séance d'essai. Elle n'eut pas de descendance.
La compétition automobile n'aura eu recours que brièvement aux six roues. Malgré plusieurs tentatives et des promesses, les sportives à six roues n'ont jamais brié sur circuit. En course de côte, Bernard Cholet réalisa dans les années '70 une unique Matra M530 avec double essieu avant (pour augmenter la motricité) et moteur V6. La belle fut malheureusement abandonnée mais ferait l'objet d'une restauration. En ce qui concerne le Rallye, des Range Rover à 6 roues s'y sont aventurés. Il s'agit des célèbres réalisations Carmichael, dont beaucoup sont d'anciens véhicules de pompiers. Les six roues sont désormais très rares dans le domaine de la compétition... |
La liste des voitures à 6-roues au cinéma est assez longue. Certaines voitures sont bien mises en avant (celles illustrées ci-dessus !), tandis que d'autres ont un rôle plus secondaire. D'une manière générale, les voitures à six roues sont moins présentes qu'auparavant, ce qui est dommage. Ça manque d'un brin de folie ! Si vous connaissez d'autres voitures emblématiques à six roues, n'hésitez pas à nous contacter, nous les ajouterons sur cet article.
Terminons cet article par aborder quelques modèles à six roues qui méritent vraiment le détour. L'une d'elle est l'œuvre de Christian de Léotard et il s'agit de l'unique Renault 5 Turbo à 6 roues. Une voiture unique en son genre dont Sixmania a retrouvé la trace. Construite à la main, Léotard la dota de deux moteurs et de deux leviers de vitesses. Elle était alors conduisible en deux ou quatre roues motrices. Stockée méticuleusement, elle fut malheureusement la cible d'un incendie en 2002. Sera-t-elle reconstruite ? Rien n'est moins sûr... Notons que des Renault 5 Léotard a six roues roulent toujours, mais il ne s'agit pas de version Turbo.
Renault a conçu des voitures capables d'affronter le Sahara. La 6-roues (ou MH) fut vendue de 1923 à 1925. Elle disposait en réalité de douze roues car chacune était doublée, pour mieux avancer sur les terrains difficiles. À l'aise même dans les pires conditions, la Renault MH fut très appréciée. Elle servit même de véhicules touristiques jusqu'à la crise de 1929. La trentaine de Renault MH seront alors revendues ou abandonnées...
D'innombrables transformations en série très limitées ont vu le jour. Les six roues permettaient d'accroître la masse de chargement à l'arrière. Les frères James ont notamment réalisé cette improbable Citroën XM dotée d'une attache remorque de camion. Elle se transforme ainsi en un véritable semi-remorque. De nos jours, un tel véhicule n'aurait aucune chance d'être homologué... Malheureusement...
La Panther 6 Cabrio est une découvrable assez unique en son genre, dotée d'un double essieu avant. Seuls deux exemplaires ont vu le jour, un noir et un blanc, tout deux préservés. Entièrement assemblés à la main, cette voiture s'inspire de la Tyrrell P34, présenté un an avant cette Panther. Sans surprise, elle n'eut pas de descendance.
Les voitures à six roues ont eu leur heure de gloire. Pratique à une époque où les routes étaient loin d'offrir le confort actuel, les voitures à six roues ont évolué sur tous les terrains et même sur piste, sans jamais briller. Pas dénuée d'intérêt pour autant, elles n'ont pas réussi à démontrer tous leurs arguments face aux quatre-roues que nous connaissons bien.
Aujourd'hui, seuls quelques modèles réservés à une élite peuvent se permettre les 6 roues. Car l'entretien est d'autant plus onéreux en terme de pièces d'usure, de pneus et de freins. De même, les transformations quasiment artisanales n'ont plus aucune chance de passer les tests d'homologation. Une page s'est tournée...
J'ai fondé PDLV à 13 ans, c'était il y a... Pas mal de temps ! Ma passion pour l'automobile n'a fait que s'intensifier. Depuis, ce blog a bien prospéré et nous permet de vivre notre passion à 100%. Mon pêché mignon ? Les Fiat Panda 100HP, les Porsche 911 Type G et les brochettes bœuf-fromage. Je m'intéresse à tout ce qui roule, même si mon allergie au diesel me rapproche bien souvent du pistolet vert. |
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Thomas Drouart |