Le 18 Décembre 2018, par Thomas Drouart
À la télé, on apprend souvent l'existence de personnes... Lors de leur décès. C'est triste mais c'est un petit peu dans les mêmes circonstances que je vous propose ce billet traitant de la Main Jaune. Cette œuvre de Francis Guyot, qui a troqué sa blouse de médecin pour celle de sculpteur, je ne l'ai aperçue qu'une seule fois, étant alors gamin et l'avait oubliée depuis. C'est un triste fait divers, en l'occurrence l'incendie destructeur de cette main géante - et de cinq de ses sept voitures - qui sera le sujet de cet article.
Quand on a deux passions, il n'est pas toujours simple d'en privilégier l'une à l'autre. Pourtant, Francis Guyot a fait le choix de privilégier la première, pendant 25 ans, la médecine. Puis, il quitte ce domaine pour se consacrer exclusivement à la sculpture, une passion qui lui tient à cœur depuis très longtemps. Après quelques créations, il débute en 2003 le plus monumental de ses projets : la Main Jaune. Un hommage à son père menuisier. Elle a été commandée par le président du Conseil général de la Vienne, René Monory.
Il s'agit d'un projet d'une sculpture de 24 mètres de haut, présentant une grande main pointant vers le ciel. De couleur jaune, elle fait écho au célèbre jeu du Nain Jaune, auquel l'artiste jouait étant gamin. Le long du bras, huit voitures sont alors disposées. Là encore, le clin d'œil est au passé puisque Francis Guyot s'est remémoré ses Dinky Toys !
Quelques années passent et Francis Guyot parle de son projet. Il parvient rapidement à réunir des bénévoles et à créer une maquette à l'échelle 1/43 de son projet un peu fou. La Main Jaune est alors une miniature en résine, rien de bien concret donc. Pourtant, des essais de soufflerie sont effectués, avec des vents supérieurs à 200 km/h. Le projet continue de rallier jeunes et moins jeunes pour ce qui deviendrait - avec 24 mètres de haut - la plus haute sculpture de France.
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Le choix des voitures qui figureraient sur cette œuvre d'art n'était pas anodin, il s'agit de sept voitures célèbres, vendues de 1949 à 1994 : une Austin Mini, une Volkswagen Coccinelle, une Citroën 2CV, une Peugeot 205, une Fiat 500 et des Renault 4CV et Twingo. Tout en haut, dans le creux de la main, il devait y avoir un prototype de voitures futuriste. Sauf que la vision du futur, en terme d'automobile, est très subjective et vieillit généralement assez mal. Francis Guyot décida donc de remplacer cette huitième voiture par un œuf, symbole de la vie et du temps.
En 2009, tout s'accélère. La ville de Châtellerault donne son accord pour que la Main Jaune s'élève sur le rond-point du Pila, au nord de la ville, au niveau de la sortie 26 de l'autoroute A10. Mais avant cela, Francis Guyot a dû coordonner la fabrication des différents éléments de la structure.
Ainsi, d'immenses pylônes sont construits. La main est réalisée artisanalement sur une structure avant d'être emmenée chez un fabricant de piscine pour être recouverte de résine. Elle est alors peinte dans un superbe jaune. L'ensemble est alors stocké pendant que des ouvriers s'attèlent à déblayer le rond-point. La particularité de ce projet, c'est qu'il a été exécuté par des bénévoles, des apprentis et des entreprises, qui ont souhaité participé à la réalisation de cette sculpture. Une aventure humaine comme on en voit bien trop peu !
Les sept voitures sont préparés par des apprentis du Centre Afpa de Châtellerault. Chacune des voitures a ses vitres supprimées, au profit de plaques en métal. Les carrosseries sont peintes dans un bleu foncé, tout comme l'œuf. Les planchers des véhicules ont été retravaillés afin que les autos puissent être fixées sur la structure de manière sécurisante. Un travail de longue haleine mais réalisé avec brio.
Les 330 tonnes de béton sont coulées en guise de structure. Les quatre éléments principaux de l'œuvre sont acheminés par convoi exceptionnel jusqu'au rond-pont du Pila. D'ailleurs, rapidement, ce giratoire sera baptisé officieusement le "rond point de la Main Jaune". Les tubes sont assemblés, nécessitant 8 000 points de soudure. Le projet pris du retard au début de l'année 2010 quand la main, alors désolidarisée de son socle pour être placée sur la sculpture, fait un revers. La 4CV est alors écrasée contre une grue mobile. Peu après, un propriétaire de 4CV décide de faire don de son auto... Toujours roulante, Thierry Caligny l'offre à Francis Guyot gracieusement. Préparée, elle rejoint les six autres autos sur l'œuvre.
L'art contemporain divise. Et c'est normal puisque l'essence même de cet art est conceptuelle. La Main Jaune a été rapidement adoptée par les habitants de Châtellerault, même si des réticences demeuraient. D'ailleurs, plusieurs classements des ronds-points les plus laids, font apparaître celui du Pila en bonne position.
Je me rappelle, étant gamin, être passé une fois devant cette œuvre, alors toute récente. Quel émerveillement pour tout passionné de voitures. Du haut de ses 24 mètres, la Main Jaune impressionnait avant de séduire. Je vous épargne les symboliques de l'œuvre, chacun pourra l'interpréter et l'analyser comme il le souhaite. La Main Jaune est même devenu l'un des symboles de Châtellerault.
Lors du mouvement des Gilets Jaunes, le rond-point "de la Main Jaune" fut accaparé par les manifestants. Ils sont sommés de quitter le giratoire le dimanche 16 décembre par la gendarmerie. C'est alors qu'un incendie touche la sculpture et grimpe jusqu'à son sommet. En proie aux flammes, la structure perd des bouts. Cinq des sept voitures sont complètement calcinées. Selon l'auteur, la sculpture, trop endommagée sera retirée. Le rond point "de la Main Jaune" redeviendra-t-il celui du "Pila" ?
J'ai fondé PDLV à 13 ans, c'était il y a... Pas mal de temps ! Ma passion pour l'automobile n'a fait que s'intensifier. Depuis, ce blog a bien prospéré et nous permet de vivre notre passion à 100%. Mon pêché mignon ? Les Fiat Panda 100HP, les Porsche 911 Type G et les brochettes bœuf-fromage. Je m'intéresse à tout ce qui roule, même si mon allergie au diesel me rapproche bien souvent du pistolet vert. |
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Thomas Drouart |