Renault Dauphine Gordini R1095 : le sorcier a encore frappé !

Remontons le temps d'un demi-siècle. C'est en 1967 qu'est sortie d'usine la Renault Dauphine Gordini que nous vous présenterons ici. Cette pièce unique a bénéficié d'une savoureuse présentation. Si elle n'est pas la plus authentique, cette Dauphine a une capacité incroyable d'aimanter tous les regards.

Renault Dauphine Gordini : fiche technique

1966 - 1968	Dimensions	3,95 x 1,52 x 1,44 mètre
	Poids	635 kg
	Boîte de vitesse	Manuelle, 4 rapports
	Transmission	Propulsion
0.845 litre 4 cylindres en ligne 40 chevaux 64 Nm 5 CV	0 à 100 km/h	33"3
	Vitesse max.	126 km/h
	Consommation	6,4 L / 100 km
	Cote	15 000 €

La Dauphine Gordini

La naissance de la Renault Dauphine est partie d'une conversation entre le PDG de la Régie Renault, Pierre Lefaucheux et un directeur d'études. La 4CV a été une excellente voiture d'après-guerre. Mais par quel modèle la remplacer ? C'est ainsi que la Dauphine voit le jour, sous le nom de Projet 109. Finalement, elle ne remplacera pas la 4CV, mais s'ajoutera au catalogue. Le cahier des charges : 4 portes, 4 places, un grand coffre et un maximum de pièces reprises à la 4CV.

Assez peu puissante, bien que légère, la Dauphine séduit davantage par sa plastique bien dans l'ère du temps, que par ses performances. Amédée Gordini, surnommé affectueusement le Sorcier, est appelé à la rescousse par la marque au losange pour dynamiser cette berline tricorps, tout en réduisant les dépenses au strict minimum ! Réputé pour ses impressionnantes préparations sur des bases Simca, ce constructeur indépendant et préparateur, révèlera une toute nouvelle facette de la Renault Dauphine !

La Dauphine Gordini a été produite de 1958 (type R1091) jusqu'en 1968 (R1095). À la manière d'un bon vin, chaque millésime a gagné en saveurs et en ajustements. Le modèle que nous avons ici a une histoire toute particulière puisqu'il a hérité du moteur, mais également des trains roulants de la Renault 8 Gordini. Et ne vous fiez pas à sa faible puissance, les sensations à bord sont plus exaltantes que maintes sportives actuelles...

Que l'on aime ou non les voitures anciennes, il est difficile de rester de marbre face à une Renault Dauphine. Le premier élément qui interpelle, c'est bien sûr cette ligne. Elle accuse certes un demi-siècle, mais quelle fluidité ! Une ligne de caisse bien dessinée, fuyante mais pas trop, un profil élégant et une face avant qui inspire la sympathie. Pour ma part, j'ai toujours affectionné les Dauphine et je dois admettre que cette rencontre s'est rapidement transformée en coup de cœur.

Dans cette livrée Jaune Parchemin (346), cette Dauphine Gordini ne fait rien comme les autres. Elle a été savamment préparée mécaniquement, mais aussi esthétiquement. Après une longue et méticuleuse restauration (avec mise à nue de la caisse), la belle a reçu - entre autres - des phares additionnels Oscar, des jantes Gotti de 13 pouces et diverses pièces provenant de l'Alpine A110. Il y a pire comme référence !

La touche Gordini

S'il est surnommé le Sorcier, c'est parce qu'Amédée Gordini a la propension a métamorphoser une sage berline en une voiture sportive. Outre un gain de chevaux, ce préparateur à revu entièrement la boîte de vitesse manuelle (à 4 rapports), le carburateur Solex, la culasse, la compression ou les ressorts de soupape. La plupart des modifications ne sont pas visibles mais permettent de faire la différence : le comportement est profondément modifié. La tenue de route est meilleure, le comportement routier plus joueur et le moteur accélère plus fortement.

Esthétiquement, les modifications sont menues, avec des sigles Gordini disposés sur les ailes et sur le capot arrière. Car tout comme la 4CV, la Dauphine Gordini est une stricte propulsion. Elle dispose également du moteur en position arrière. Sur les premiers millésimes, il était courant de lester le coffre avant pour augmenter l'appui et donc la tenue de route. Cela s'est amélioré au fur et à mesure des millésimes. La belle époque !

Notre Dauphine Gordini R1095 jaune n'est pas authentique à 100% puisqu'elle a reçu une mécanique de Renault 8 Gordini, le fameux 4-cylindres de 1,3 litre délivrant 103 chevaux. Une préparation rare mais rendue possible par des composants communs entre ces deux voitures. Les trains roulants ont aussi été remplacés par ceux de la 8, avec quatre disques de frein assurant un excellent freinage.

Face à une voiture signée Gordini améliorée, une seule envie : prendre la route et retrouver des sensations d'antan, bien loin des voitures actuelles suréquipées, aseptisées et parfois dépassionnées. Mais avant cela, je ne peux résister à l'envie d'admirer la belle sous tous les angles. Les voitures anciennes ont un caractère bien à elles. Cette Dauphine Gordini s'apprécie pour ses détails, à l'image des aérations d'air au niveau des roues arrière, du pare-choc tarabiscoté, des phares ronds posés aux extrémités basses du capot et des divers chromes disséminés ici et là pour un style BCBG.

Un intérieur spartiate mais sportif

Prendre place à bord d'une Dauphine Gordini, c'est un voyage dans le passé. On remarque tout d'abord, surtout dans cet exemplaire vidé du superflu. Le plancher est parfaitement plat, l'espace dégagé pour les pieds, à l'avant, est important du fait de la position arrière du moteur. On remarque également de petites portes légères, des rétroviseurs obus, un beau volant d'Alpine A110 (non d'origine), un compte-tour incliné, à gauche, un compteur à l'ancienne et à l'horizontale et surtout, cette odeur caractéristique des voitures anciennes !

Tous les sens sont en éveil. Concernant la sellerie, le propriétaire de cette Dauphine Gordini, Jacques, a opté pour des baquets à l'ancienne et des harnais OMP du plus bel effet, puisque la banquette arrière n'est plus qu'un lointain souvenir ! À bord, l'ambiance est sportive, la Dauphine laisse largement entendre les vocalises du 4-cylindres. Un régal ! À bord, on s'y sent très bien : une ambiance sportive d'antan comme on les aime.

Le levier de vitesse est particulier puisque la marche arrière nécessite de soulever un cache afin de basculer le levier sur la partie gauche. Une sécurité lors d'une conduite sportive. Sur le tableau de bord, différents commodos ont été disposés pour commander l'allumage ou encore la ventilation. Entièrement restaurée, notre Dauphine Gordini tourne comme une voiture neuve. C'est bluffant.

Une voiture qui se vit

Le 4-cylindres se réveille, offrant des vocalises délicieusement rauques. Avec une voiture de 1967, on pourrait s'attendre à quelques à-coups, des ratés : il n'en est rien ! Les accélérations n'ont bien sûr rien à voir avec ce que l'on peut trouver dans une Clio RS actuelle, mais elles sont tout de même bien sympathiques. Avec le 4-cylindres de série, le 0 à 100 km/h demande plus de trente secondes. Là, c'est nettement plus vif. Car si la puissance d'origine de 40 chevaux peut paraître légère, la voiture l'est également avec 635 kg sur la balance.

La Dauphine Gordini R1095 offre des relances impressionnantes, entre les mains expertes de son propriétaire. Cette stricte propulsion permet une conduite sportive, grâce notamment au freinage très mordant. Montée avec des trains roulants de R8 Gordini, cette Dauphine a reçu un kit assez difficile à trouver, permettant d'améliorer significativement la tenue de route. Le résultat ? Un comportement routier très sain et sportif, bien que sur-vireur. Une véritable auto de course de cote.

Par moment, il est possible d'entendre le carburateur Weber double corps se réveiller. À bord, beaucoup de bruit, mais aussi beaucoup de plaisir à bord de cette berline dont la première mouture remonte à 1953. Cette Gordini apporte ce qui manquait : une touche de sportivité et un caractère assez rageur lorsque l'on monte dans les tours. Bien sûr, la Dauphine Gordini de série n'a sans doute pas un tel potentiel.

Sur les petites routes de campagne, difficile de ne pas tomber sous le charme. Tout semble plus beau, plus savoureux, plus authentique. Avec ses autocollants d'époque, ses phares Oscar additionnels, notre Dauphine Gordini fait tourner toutes les têtes. Les jeunes, les vieux... Certains par curiosité, d'autres par nostalgie. Passant devant un cortège revenant d'un enterrement, cette Dauphine Gordini aura eu le mérite de décrocher quelques sourires nostalgiques après un triste événement.

La Dauphine Gordini en 5 questions

Pourquoi s'appelle-t-elle Dauphine ?

La Renault 4CV était considérée comme la "reine des ventes" par Renault. Sa descendance fut donc conçue comme étant sa Dauphine. C'est ainsi que le nom Dauphine est resté pour qualifier le projet 109 !

Est-elle fiable ?

Très ! Qu'il s'agisse du moteur d'origine de 845 cm3 ou bien de celui-ci, il s'agit de mécanique à l'ancienne. Sur celle-ci, les conduits ont été habillés de silicone, pour une meilleure résistance et une bonne dispersion de la chaleur. Seules faiblesses : la carrosserie et la corrosion qui a tendance à s'inviter sur les exemplaires non restaurés.

Dauphine ou Renault 8 Gordini ?

Le coût qui sépare la Dauphine Gordini de la 8 Gordini varie du simple au triple. Les deux voitures affichent un beau tempérament, avec bien sûr un avantage certain pour la plus récente (la 8). La Dauphine ne démérite pas.

Où faire l'entretien ?

Entretenir une voiture ancienne n'est pas à la portée du néophyte, surtout pour le carburateur qui exige des réglages chirurgicaux. Il existe heureusement des garages spécialisés dans la voiture et des sites internet spécialisés, à l'image de Dauphinegordini.free.fr.

Comment reconnait-on une Dauphine Gordini ?

• Sigles sur les ailes avant et le capot arrière
• Couvre culbuteurs marqué Dauphine G, en relief
• Suspensions plus courtes
• Boîte à quatre vitesses

Faut-il acheter une Dauphine Gordini ?

Si vous recherchez une Gordini mais que votre budget ne vous permet pas d'accéder à la légendaire Renault 8, la Dauphine améliorée par le Sorcier est un excellent choix. C'est une voiture pleine de caractère, envoûtante et capable de procurer de vraies sensations. Un retour à l'essentiel qui fait du bien, qui change notre perception de l'automobile et dont on ne se lasse pas. Si vous avez un budget de 15 000 €, alors vous pourrez trouver votre bonheur, mais à condition de prendre votre temps car les beaux exemplaires sont rares et partent généralement assez vite.

Un grand merci à Jacques, propriétaire de cette superbe Renault Dauphine Gordini R1095 mais aussi aux gérants du domaine de La Marjolaine, à Moulay (53) pour nous avoir accueilli le temps du shooting photo.